Jour 3 : mercredi 10 octobre 2007
Bonjour à toutes et à tous,
Ce matin, nous quittons Dehli. En route pour une nouvelle aventure. Direction Agra, et son mondialement connu Taj Mahal. Nous embarquons dans le Taj Mahal Express. Il est 7h15. Gare de Nizam-ud-Din Railway. 200 kilomètres et 2 heures 30 à 3 petites heures de trajet sont au programme de cette première étape de notre périple. Dans un si grand pays dans lequel les temps de déplacement sont d'une élasticité capricieuse, cet apéritif version modèle réduit constitue une excellente entrée en matière.
Les gares se posent toujours en parfait champ d'observation de la vie locale, tout comme les berges des fleuves et rivières. En Inde, la patience figure au top five des maîtres-mots. L'on s'assied sur ses pieds, l'on converse avec son voisin de trajet, l'on dort aussi. Allongé à même le quai, une maigre couverture, un sari, un simple tissu recouvrant corps et visage. Dans ces pays qualifiés par les occidentaux de "moins développés" que les leurs (nous pourrions consacrer un billet d'humeur sur la notion de développement) , les autochtones disposent d'un génie absent de nos sociétés : en un tournemain, ils trouvent toujours une solution à n'importe quelle problématique. Nous y reviendrons.
Photo N°1 : Buland Darwaza, ou "porte de la Victoire" ouvre sur la Jama Masjid (la mosquée de Dargah) de Fatehpur Sikri. Octobre 2007.
A l'arrivée à Agra règne la confusion. A quelle gare descendons-nous ? Celle d'Agra Cantonment est la plus proche du centre, celle d'Agra Fort, la plus proche du quartier du Taj Mahal, où se situe notre hôtel. Nous descendons à la première, par erreur. Laquelle n'aura finalement aucune incidence. En effet, nous avons tous décidé de partir immédiatement pour Fatehpur Sikri. Un moment, Françoise et Patricia avaient envisagé de se rendre à Mathura et Vrindavan. Mathura, à 58 kilomètres au nord-ouest d'Agra, serait le lieu de naissance de Krishna et celui de son enfance. Il est aussi dénommé Braj Bhoomi, le "pays de l'Amour éternel". Rappelons les hindous considèrent Krishna comme l'une des incarnations de Vishnu, une des trois représentations de Brahman, l'éternel, l'incréé et l'infini. Brahman, source de toute forme de vie, a trois représentations, Brahma, Vishnu, Shiva. Brahma est actif dans la création de l'univers, et méditant le reste du temps, Vishnu est le protecteur, celui qui fait du bien, Shiva détruit, pour que la reconstruction soit possible.
Photos N°s 2 et 3 : Enfants travailleurs, pour contribuer à l'économie familiale précaire, mais enfants joueurs, aimant prendre la pose et jouer les stars d'un instant avec le photographe de passage. Fatehpur Sikri, octobre 2007.
J'allais me laisser (volontiers) entraîner par mes compagnes de voyages dans une expédition vers Mathura et Vrindavan, quand je pris conscience que mes pas devaient me conduire à Fatehpur Sikri. Ne connaissant ni l'une ni l'autre de ces destinations, cela m'importait peu. En outre, depuis mon premier voyage "initiatique" en 2001, au Népal, au sortir d'une maladie (de Hodgkin, voir mon roman "La Patiente") qui aurait pu m'emporter vers les rivages de la mort, j'avais pris l'habitude de me laisser guider par mon être intérieur, au grand dam, parfois, de mon ego qui aurait volontiers opté pour un choix plus à... son image. Mon être intérieur, que d'aucuns dénomment maître intérieur, âme, soi supérieur, intelligence supérieure, guide, dieu intérieur... se manifestait sous des formes diverses : la pensée intuitive, à ne pas confondre avec la pensée ordinaire, les rêves, l'hyperintuition, les signaux et douleurs du corps, les synchronicités, les micro-événements de chaque instant, les "coïncidences" (je préfère les appeler "convergences temporelles"), les obstacles rendant les décisions inopérationnelles, ou, au contraire, les "tapis rouges" déroulés lorsque nous sommes sur la voie ad hoc. En voyage, avide de liberté d'expression et d'élévation de mon niveau de compréhension du monde et de ses mystères, mon être intérieur, comme l'intégralité de mon être, s'en donnait à coeur-joie et rivalisait de facéties en tous genres pour m'indiquer le programme de chaque journée.
Ce mercredi 10 octobre 2007, mon être intérieur avait donc décidé que je me rendrais à Fatehpur Sikri. J'avais déjà eu le plaisir et la grande émotion de découvrir en septembre 2004 le mausolée du Taj Mahal, ce merveilleux cadeau d'amour posthume de l'empereur moghol Shah Jahan à sa seconde épouse Mumtaz Mahal, décédée en 1631 en mettant au monde leur quatorzième enfant. Mon âme m'invitait cette fois à visiter l'oeuvre du grand père de Shah Jahan, l'empereur Akbar.
Photo N° 4 : derrière ces sculptures de marbre finement ciselées du coeur de la mosquée, les femmes pouvaient voir sans être vues. Fatehpur Sikri, octobre 2007.
Fatehpur Sikri fut la capitale moghole sous le règne d'Akbar, de 1571 à 1585. Faute de possibilités d'irrigation suffisantes, et malgré sa beauté architecturale, la cité fut abandonnée peu après la mort de l'empereur. Pour s'y rendre, nous optons pour le bus local, fenêtres ouvertes, brinquebalant sur les routes et chemins cahoteux. Dans ces modes de transport, j'assume le poids de mon sac photo-vidéo. Celui-ci ne quitte jamais mes cuisses, généralement plus rembourrées et stables que le sol des véhicules. Sauf lorsque le siège d'à-côté est libre et... en bon état, ce qui n'arrive pratiquement jamais. Dans ces pays, l'on s'entasse plus que l'on ne s'étale. Non seulement, les sièges sont conçus pour des gabarits nettement plus petits et minces que les nôtres, mais en plus l'on s'agglutine à trois ou quatre sur des banquettes initialement prévues pour deux personnes. Et cela, sans rechigner. C'est la seule solution si l'on veut se déplacer. Les occidentaux prennent une place et demie à eux seuls doivent souvent susciter la risée, voire l'agacement des autochtones. Surtout lorsque, en plus, ils veulent garder leurs sacs sur leurs genoux...
Photo N° 5 : Comme partout ailleurs aux abords des lieux touristiques indiens, chacun s'emploie à gagner les quelques roupies qui garantiront les repas quotidiens. Parfois sangsues, parfois enjôleurs, qui les blâmeraient, malgré, de temps à autre, un ostensible agacement chez les touristes ?
Lorsque je pénètre dans l'enceinte de la mosquée de Fatehpur Sikri, tout respire la tolérance à l'égard des courants de pensée symboliques des siècles précédents. La vie semble s'être arrêtée à l'image que l'empereur Akbar avait voulu véhiculer par la construction de cette cité de grès rouge. Tolérance. La leçon du jour invite à la tolérance, à l'égard de tous les illuminés de toutes expériences. Mais elle invite également à l'extrême prudence. Au fil des millénaires, certains groupes humains ont élaboré de véritables maillages neuronaux quadrillant la pensée de l'humanité et la cantonnant dans des schémas de pensée fallacieux et à leurs seuls profits, détournant nombre de philosophies et d'éclairages de certains êtres de lumière au seul profit du nouveau "dieu" de la terre et de ses habitants : l'argent. Qui se présente à Fatehpur Sikri nourrira ses réflexions de la nécessaire tolérance à l'égard de tous ceux qui hissent, d'une part, leur capacité de compréhension des problématiques terrestres et humaines, et, d'autre part, leurs comportements et actes en découlant, au delà des frontières dans lesquels nous cantonnent ces groupes d'influence et de prescription de la vilénie et de la bassesse.
Photo N° 6 : lorsque chaque être, au delà des croyances inculquées depuis des millénaires, interrogera son être intérieur pour déceler, pour sa propre vie, quels règles et enseignements il doit garder (ou rejeter) pour s'accomplir sur terre, peut-être cessera-t-il de rechercher les responsabilités de ses échecs et de ses peines à l'extérieur ?
"Akbar, considéré comme le plus grand empereur moghol, était un dirigeant sage et épris de justice, croyant dans le principe de Sulh-i-Kul (la paix pour tous)", mentionne le Lonely Planet sur l'Inde du Nord. "Célèbre pour sa tolérance envers les autres religions, il inventa une philosophie, le Din-i-llahi (la foi en Dieu), qui reconnaissait la vérité commune à toutes les religions", poursuit le rédacteur de l'ouvrage. Il fit donc ériger une cité parfaite dans le désert, symbole du Din-i-llahi : Fatehpur Sikri.
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