Chapitre 1 : "Le petit prince d'Angkor, page 6"
Photo : Devant le Pha That Luang, un tuk-tuk, mode de transport collectif très populaire en Asie du Sud-Est. Si l'on en croit la légende, les missionnaires ashokan, arrivés d'Inde, auraient édifié au IIIe siècle avant Jésus-Christ un stupa pour y enfermer un bout de sternum du Bouddha. Le monument actuel fut construit au XVIe siècle, lorsque le roi Setthathirat transféra la capitale de Luang Prabang, dans le Nord du pays, vers Vientiane.
Pour réaliser son grand rêve, il voulait devenir guide, car le simple statut de « driver », de chauffeur à mobylette, lui rapportait tout au plus de cent à deux cents dollars mensuels. Il avait du arrêter ses études prématurément. Cette décision s'annonçait comme une entrave à ses aspirations professionnelles. Il lui manquait le douzième niveau d'une scolarité avortée. Il devrait donc s’acquitter d'un droit de mille dollars pour obtenir l'autorisation d'exercer. « Corruption », susurra-t-il. Inimaginable dans un pays où un fonctionnaire doit se contenter de vingt-cinq dollars par mois. Et pourtant…
Ce n'était pas tout. Il lui faudrait perfectionner ses connaissances de l'histoire angkorienne, poursuivre son étude de l'anglais et du japonais, tout en continuant à emmener les touristes sur sa vieille mobylette menaçant de rendre l'âme. « C'est ma meilleure amie. Mon outil de travail aussi. Il serait préférable que j'en achète une neuve, mais, pour le moment, je suis trop pauvre pour cela ». Il m'expliqua sa situation doucement, dignement, sans se plaindre. Quand, après notre première journée ensemble sur les routes de la cité engloutie par la forêt, je lui demandai s'il acceptait de m’accompagner pendant une semaine, il partit annoncer la nouvelle à ses amis en sautillant de joie. Je lui assurais une semaine de salaire. Pendant sept jours, il pourrait se lever chaque matin sans devoir s'inquiéter de savoir s'il gagnerait, ou non, l'argent nécessaire de sa journée. J'étais heureuse de l'aider ainsi. Aussi modeste soit ma contribution à la survie de sa famille. Je lui apportais un peu d’air frais, tout en respectant sa dignité de jeune homme, puisqu'il allait travailler en échange.
« Good morning Mum ! ». C'était devenu le rituel du matin. Comme chaque jour, Rattha arrivait une heure avant notre rendez-vous pour… venir me réveiller. Ma montre ou les employés de la Guesthouse auraient bien fait l'affaire, mais mon petit driver mettait un point d'honneur à frapper à ma porte chaque matin. Inutile de protester. Il en avait décidé ainsi. « J'ai fait un très beau rêve cette nuit. Je ne voulais pas me réveiller. Jamais ». Cette balade onirique demeurerait un mystère, mais Rattha commençait à se confier.
Nous enfourchâmes une nouvelle fois notre compagne pétaradante. Direction Angkor Vat. Littéralement, « la ville qui est un temple ». Cet édifice central de la cité khmère fut construit pendant la première moitié du douzième siècle, sous le règne du roi Sûryavarman II. Le seul temple de l’ensemble angkorien orienté à l'ouest. Tous les autres monuments furent implantés face au soleil levant. Cela éveilla mon goût de la particularité, de la différence, de la minorité.
Pour connaître la suite de l'histoire, rendez-vous le lundi 28 mai 2007
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